Pour commencer je vous invite à imaginer un instant que le gouvernement tunisien nomme un représentant diplomatique permanent à la Silicon Valley pour aider à établir des relations avec les principaux acteurs opérant dans ce haut lieu technologie et d'innovation. Son mandat comprendra également l'identification d’entreprises intéressées par un partenariat avec des entreprises innovantes en Tunisie, la promotion des opportunités d'investissement en Tunisie, et l’initiation de partenariats ou de jumelages entre les universités, les cercles de réflexion, et les centres de recherche américains et leurs homologues tunisiens.
Une telle initiative peut sembler fantaisiste, étant donné que la diplomatie est une profession très protocolaire qui se nourrit de l'étiquette politique et du respect scrupuleux des procédures bureaucratiques dans les relations avec les États étrangers.
Mais un pays l'a pourtant fait : le Danemark ! En 2017, ce pays a nommé Casper Klynge, un diplomate de carrière, pour devenir le premier ambassadeur à la Silicon Valley.
Juste pour vous donner une idée sur l’importance des géants américains de la technologie, la capitalisation boursière de Google hier était de 1,23 trillion de dollars et représente ainsi à elle seule 31 fois le PIB de la Tunisie, et un peu moins de la moitié du PNB de la France. (D’ailleurs, je profite pour souligner une réalité que beaucoup ignorent : la montée en puissance des acteurs non-étatiques (non-state actors) dans la gestion des affaires économiques à l’échelle globale. A titre d’exemple, ce sont les grandes multinationales qui pèsent de tout leur poids dans l’élaboration des accords de libre-échange. Ceux qui font le travail pour eux sont les 25 000 lobbyistes à Bruxelles et les 12 000 à Washington.)
Imaginons maintenant que le chef du gouvernement tunisien apprenne qu'un grand constructeur automobile européen aurait l'intention d'implanter une grande usine dans la région méditerranéenne. Il prend personnellement l'initiative d'appeler le président de cette société et l’inviter en Tunisie afin de l'inciter à considérer notre pays comme une destination de choix pour son projet. Il peut même envisager de faire le déplacement pour le convaincre. Cela peut sembler atypique pour un chef du gouvernement. Pourtant, c’est exactement ce qu'a fait le roi du Maroc. C’est lui-même qui a usé de son influence pour mettre la pression auprès du président du groupe Renault qui a finalement installé sa méga usine « Dacia » à Tanger.
L'implication personnelle du roi Mohamed VI a également contribué de manière significative au positionnement robuste du Maroc sur le continent africain. Presque chaque année, le roi affrète deux gros-porteurs et invite des représentants du monde des affaires à l'accompagner dans les pays sub-sahariens. Depuis l’an 2000, 50 visites royales ont été effectuées dans plus de 30 pays africains durant lesquels plus de 1 000 accords ont été signés avec les pays hôtes lors de ces voyages. Cela explique, en grande partie, comment le Maroc est devenu le plus grand investisseur interafricain avec des investissements cumulés d'environ 4 milliards de dollars.
Imaginons maintenant que le gouvernement tunisien décide d’octroyer un passeport diplomatique d’affaires à tout exportateur dont le chiffre d’affaires à l’export dépasse un million de Dollars. Encore une fois, cela peut paraître saugrenu, et pourtant la Turquie l’a bien fait. Plus de 40 000 ‘passeports verts’ ont été délivrés seulement à Istanbul aux exportateurs turcs sans parler d'autres avantages qui leur sont accordés. Il ne faut donc pas s’étonner de l’énorme déficit commercial que la Tunisie affiche avec ce pays. Par ailleurs, le nombre d’ambassades turques est passé de 12 en 2009 à 43 aujourd’hui. Le Maroc a 24 ambassades en Afrique subsaharienne comparé à neuf ambassades tunisiennes dans cette région.
Ces exemples illustrent de manière éloquente la nature kaléidoscopique de la diplomatie économique. La concurrence féroce entre les pays dans le domaine du commerce et de l'investissement à l’échelle globale les conduit à sortir des sentiers battus afin de s'emparer de la part la plus importante des flux internationaux de commerce, d'investissement et des chaînes de valeur globales. Ainsi, les contours de la politique étrangère sont de plus en plus conçus autour d'objectifs économiques où la diplomatie joue un rôle central.
C’est quoi au juste la diplomatie économique ?
On peut la considérer comme étant une science et un art. C'est une science parce qu'elle s'appuie sur les flux d'informations pour construire un plan d’action judicieux en matière de politique économique étrangère et de positionnement géostratégique. C'est un art, car elle impulse ses actions avec l'ingéniosité, le protocole et le savoir-faire de la diplomatie pour le réussir.
Il faut toutefois faire la distinction entre diplomatie économique et diplomatie commerciale.
La Diplomatie Économique est définie comme le processus qui contribue à :
la compilation systématique d'informations géoéconomiques pertinentes permettant la conduite d'une politique d'intelligence économique perspicace,
la facilitation de la mobilisation de ressources financières auprès de sources bilatérales, multilatérales et privées,
la conduite de négociations avec des organisations bilatérales, multilatérales principalement ayant une incidence sur l'agenda politique international de la Tunisie,
l'établissement de relations avec des centres de compétences, des universités de premier plan, des instituts de recherche, des médias majeurs et des groupes de réflexion internationaux influents (think tanks) afin de faciliter les transferts de connaissance et de technologie vers notre pays.
La Diplomatie Commerciale concerne les activités diplomatiques visant à promouvoir les exportations tunisiennes ainsi que les investissements entrants et sortants par :
la promotion des relations entrepreneuriales et commerciales entre les agents économiques tunisiens et étrangers ;
l'engagement actif dans le renforcement de la Tunisie comme destination touristique majeure ;
la participation aux forums d'affaires, aux activités des chambres de commerce, aux foires, aux expositions, aux conférences sur le commerce et l'investissement dans les pays hôtes, et aux principaux événements internationaux sur le commerce et l'investissement.
Il faut aussi rappeler qu’il y a plusieurs autres sous-catégories de la diplomatie économique telles que la diplomatie agricole, la diplomatie digitale, la diplomatie touristique, la diplomatie de l’innovation et la diplomatie de la diaspora.
Cela dit, il est important de souligner que la stratégie de diplomatie économique est largement déterminée par le positionnement géostratégique que la Tunisie ambitionne d’assurer à la lumière de la confluence des forces géopolitiques, économiques et technologiques auxquelles le monde est aujourd'hui confronté et qui pourrait se répercuter pendant des générations.
Un aperçu prospectif de cette évolution nous révèle que le PIB mondial devrait atteindre 200 trillions de dollars en 2036, contre 100 trillions en 2022. Par ailleurs, l’économie de la Chine dépassera celle des États-Unis d'ici à 2030, suivie par l'Inde, dont le PIB sera le troisième plus important à cet horizon. Seuls l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France feront partie des dix premiers pays d'Europe en 2036. La mouvance anticipée vers l'est du centre de gravité de l'économie mondiale, et qui se situera donc entre la Chine et l'Inde, est une évolution cruciale qui mérite d'être sérieusement analysée dans notre positionnement géoéconomique futur. En particulier, la Chine sera en tête de la production d'énergie renouvelable et s'est assurée la part du lion des métaux rares, qui sont nécessaires pour les technologies vertes. Elle est également le premier producteur de panneaux photovoltaïques et de batteries au lithium et sera sans aucun doute le premier producteur mondial de véhicules électriques. Déjà, le constructeur automobile chinois BYD a dépassé Tesla pour devenir le plus grand producteur de véhicules électriques au monde. Il ne faut en conséquence pas s’étonner qu’un nombre croissant de pays souhaitent intégrer les BRICS.
Par conséquent, il est essentiel pour la Tunisie de repenser son positionnement géostratégique et établir une relation plus forte avec les puissances mondiales émergentes.
Dans l'état actuel des affaires internationales, un dispositif de diplomatie économique solide devrait être capable de distinguer les modèles en mutation des affaires mondiales et de distinguer le signal du bruit (‘tell the signal from the noise’). Une vision prospective des changements de la direction des vents économiques est cruciale pour mettre le cap sur la bonne direction. Une telle capacité est d'autant plus critique que la Tunisie est restée enclouée dans un modèle anachronique et indolent de relations commerciales sans véritablement tenter d'explorer les grandes potentialités offertes de par le monde. Même avec l’Europe, son partenaire traditionnel, ses relations commerciales se limitent à trois pays sur les vingt-huit que compte l’UE. Compte tenu de la situation économique désastreuse de la Tunisie, l'ensemble du MAE doit être mobilisé pour la promotion de l'économie, avec bien entendu le soutien d'autres ministères et organisations nationales. Ces efforts devraient être menés aux niveaux bilatéral, régional et international, et nécessiteront de l'ingéniosité pour influencer les choix de commerce et d’investissement des gouvernements étrangers et des grandes multinationales.
Les autorités tunisiennes doivent procéder à une analyse minutieuse :
de l'évolution de la structure des échanges mondiaux,
de la reconfiguration des chaînes d'approvisionnement mondiales et de la préférence croissante des entreprises européennes pour les stocks en flux tendus,
de l'augmentation des coûts de transport,
du départ de Chine de centaines d'entreprises européennes et américaines qui cherchent à délocaliser leurs activités.
Ces développements critiques devraient toujours être sur les écrans radar d'un appareil de diplomatie économique efficace. Lorsqu'ils sont examinés et analysés de manière pertinente, chacun de ces facteurs présente des opportunités à saisir ou des risques à éviter pour la Tunisie. Il faut donc examiner chacun d'eux et dessiner les orientations stratégiques potentielles.
1 - Modification des schémas commerciaux : une bonne prospective stratégique renforce une diplomatie économique efficace. La prévoyance permet de façonner de manière proactive les actions à entreprendre pour bien préparer l’avenir.
Elle défriche le terrain pour qu'il soit en état lorsque les opportunités se présentent. Un coup d'œil sur les modèles commerciaux anticipés du monde devrait éclairer le positionnement économique et diplomatique de la Tunisie à l'avenir. Par exemple, en 2050, l'Asie représentera 47 % du PIB mondial et 40 % des importations. En particulier, la Chine représentera à elle seule 27 % du PIB mondial et 17 % des importations. Par conséquent, tout en préservant et en consolidant son ancrage historique avec l’Europe, la Tunisie doit renforcer sa présence diplomatique en Asie et mettre en place les conditions d'une amélioration significative des relations avec les futurs pays leaders dans le monde. En exploitant des méthodologies modernes, les autorités tunisiennes devraient identifier les produits d'exportation demandés par ces pays et pour lesquels la Tunisie bénéficie d'un avantage compétitif.
Ensuite, les ministères concernés, les organisations professionnelles et les entreprises exportatrices (existantes et potentielles), doivent élaborer une feuille de route ambitieuse pour vendre les produits existants ainsi que les nouveaux produits sur cesmarchés. Un tel effort est d'autant plus crucial que le déficit commercial de la Tunisies'est accru significativement ces dernières années.
2- Reconfiguration des chaînes d'approvisionnement mondiales : suite à la pandémie de coronavirus et de la politique chinoise du « zéro covid », de nombreuses entreprises internationales ont décidé de diversifier leurs sources d'approvisionnement vers d'autres pays. Néanmoins, cette diversification des fournisseurs a augmenté la demande de produits intermédiaires en provenance de la Chine (par exemple, la diminution des exportations chinoises de prêt-à-porter s'est accompagnée d'un déplacement de la fabrication vers l'Asie du Sud et du Sud-Est, principalement vers l'Inde, le Vietnam et le Bangladesh). Le Mexique a également profité de la ‘guerre commerciale’ entre les États-Unis et la Chine en augmentant les importations d'intrants intermédiaires en provenance de la Chine, assemblés puis expédiés vers les États-Unis. En outre, plusieurs autres entreprises internationales basées en Chine ont quitté ou envisagent de quitter ce pays. Une enquête de la société de conseil Gartner révèle que 33 % des leaders des chaînes d'approvisionnement ont déjà déménagé ou prévoient de déménager leur entreprise hors de Chine d'ici à 2023.
3- Augmentation du coût du transport : durant 2022, le coût du transport des marchandises par route, air et mer a augmenté considérablement. Une telle hausse des coûts de transport, combinée à la préférence accrue des entreprises européennes pour les flux tendus et la diversification des approvisionnements, aurait dû déclencher une mobilisation complète de la diplomatie économique pour offrir à ces entreprises les avantages du near-shoring en Tunisie.
4- Le Phénomène de relocalisation : ces dernières années, le coût de la main-d'œuvre en Chine a considérablement augmenté, ce qui a suscité des spéculations selon lesquelles ce pays pourrait perdre son avantage comparatif dans le secteur manufacturier et son statut d'usine du monde. Ces augmentations de salaires, combinées à la pression politique exercée sur les multinationales aux États-Unis et en Europe, obligent ces dernières à rapatrier, en totalité ou en partie, leurs activités délocalisées ou à chercher des alternatives de near-shoring dans des pays proches où les salaires sont plus compétitifs. Rien qu'aux États-Unis, suite à la politique initiée par Trump, on estime qu'en 2020, plus d'emplois ont été créés grâce au reshoring que par les investissements directs étrangers (109 000). De même, en Europe, 60 % des entreprises européennes envisagent de faire du reshoring dans les trois prochaines années (2022-2025). En outre, environ 35 % des entreprises européennes envisagent de se rapprocher de la Turquie et de l'Afrique du Nord (near-shoring). Une fois encore, une diplomatie économique dynamique devrait être en mesure, grâce à un système d'intelligence compétitive efficace, de déterminer les multinationales qui envisagent de relocaliser leurs activités, ou une partie d'entre elles, dans notre région et de veiller à ce que la Tunisie bénéficie de l'avantage du précurseur (first-mover advantage).
Malheureusement, entre-temps, c’est le contraire qui est en train de se produire comme cela a été révélé par une récente enquête d'Ernst & Young qui prévoit que 55 % des entreprises françaises en Tunisie comptent rapatrier leurs activités. Hélas, nos autorités ne semblent pas se soucier de cet imminent danger qui risque de faire perdre des milliers de postes d’emploi à court et moyen terme.
Comme je l’ai souligné auparavant, l’une des conditions de réussite de la diplomatie économique est la mise en place d’un dispositif puissant d’intelligence économique.
En clair, la Tunisie manque d'un cadre d'intelligence économique et stratégique robuste et bien structuré, tant au niveau du secteur public que du secteur privé. Toutefois, cela ne veut pas dire que les questions relatives à l'intelligence économique ne sont pas traitées dans le cadre des fonctions diplomatiques ordinaires.
Quelques initiatives ont été lancées en matière d'intelligence économique (IE) en Tunisie, mais elles étaient plutôt timides et de portée limitée. Par exemple, en 2009, le CEPEX a mis en œuvre un projet d'IE avec l'aide du programme de développement des Nations unies. En mars 2012, l'Agence Tunisienne d’Intelligence Économique (ATIE) a été créée, mais ses activités sont restées timides. De même, en 2012, le Réseau Tunisien d’Analyse des Renseignements et de Veille Economique et Commerciale (RIAVEC) a été créé et hébergé au sein du ministère du Commerce. En mars 2018, Tunisia Africa Business Council (TABC) a lancé le Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique (CAVIE). Cependant, les activités de toutes ces organisations, bien que bénéfiques, sont restées d'une portée et d'une efficacité limitées.
La Tunisie a beaucoup à gagner dans la mise en place d'un dispositif solide d'intelligence économique à part entière au sein du MAE, totalement dédiée au soutien du gouvernement et des entreprises publiques et privées, en leur fournissant des informations précieuses sur la compétitivité et les développements à l’échelle mondiale qui peuvent les affecter. Au niveau de l'État, une IE performante peut aider les décideurs politiques à comprendre les forces complexes à l'origine des changements importants dans les économies et les industries, et à se tenir au courant des grandes évolutions géostratégiques à l’échelle du monde. Au niveau sectoriel, les unités d'IE dans les associations professionnelles, les chambres de commerce et même au sein des entreprises peuvent les aider à être au courant de tous les développements dans leurs domaines respectifs qui peuvent avoir un impact sur leurs activités, y compris les opportunités à saisir ou les risques à éviter.
Les exemples abondent de la manière dont l'IE peut contribuer à éclairer les stratégies, tant au niveau des états que des entreprises. Par exemple, inquiet de l'émergence de l'industrie 4.0 et des pertes d'emploi potentielles qu’elle peut engendrer au cas où les sociétés offshores décideraient de rapatrier leurs activités dans leur pays d'origine, l’État peut s'appuyer sur l'IE pour déterminer les entités existantes opérant en Tunisie qui seraient susceptibles de se retirer. L'exercice d'IE permettra de recueillir toutes les informations pertinentes concernant les intentions stratégiques de ces entreprises en exploitant toutes les sources actuelles (par exemple, l'examen des rapports annuels des sociétés mères, les communiqués de presse, les consultations directes, la vérification auprès des concurrents et les projets de construction d'usines intelligentes dans leur pays d'origine, etc.). L'IE peut également explorer les raisons pour lesquelles certains pays concurrents sont plus à même d'augmenter leurs exportations vers un marché donné (tarification, logistique, meilleur contrôle des coûts, salaires compétitifs, qualité des produits ou des services, etc.). Les informations ainsi recueillies seront d'une importance capitale pour le gouvernement et les exportateurs concernés (en particulier les PME qui ne peuvent pas justifier le développement de capacités d'IE en interne).
Au niveau macro, un système d'IE complet et efficace devrait examiner les réussites enregistrées dans d'autres économies, qui serviraient comme sources d'orientation et d'inspiration pour les décideurs politiques. La Tunisie ne devrait pas être aveugle à de telles expériences si elles peuvent apporter des réponses aux défis économiques auxquels elle est confrontée et éventuellement améliorer les perspectives de création de valeur dans l’ensemble des secteurs économiques. En examinant des réussites marquantes telles que (i) le rôle du Conseil de développement économique à Singapour, (ii) le pouvoir exceptionnel et transformateur du capital risque en Irlande et en Israël, (iii) l'énorme succès de la banque mobile au Kenya, (iv) le succès du Costa Rica d’avoir réalisé son auto-suffisance en électricité à partir des énergies renouvelables, (v) les performances de renommée mondiale de Cuba dans le tourisme de la santé, (vi) les prouesses digitales de l'Estonie, qui est devenue le leader technologique de l'Europe, (vii) le succès de Malte, qui s'est forgé une réputation mondiale dans le domaine de la blockchain, (viii) le rôle des Tigres d'Anatolie dans la relance fulgurante de l'économie turque sont autant d'exemples, parmi tant d’autres, qui méritent un examen attentif. Un système d'IE bien doté et efficace au niveau de l'État devrait être capable de mener de telles analyses en permanence. L'objectif est de fournir aux décideurs politiques des solutions précieuses et pratiques inspirées de tels succès et de leur laisser le soin de déterminer leur applicabilité au contexte tunisien.
Renforcer les compétences et assurer l'alignement organisationnel
Afin de réussir la stratégie de diplomatie économique, il est essentiel, tout d'abord, d’améliorer notablement les capacités et la qualité d’accueil des investisseurs étrangers qui doivent trouver dans notre pays un excellent environnement des affaires. Par ailleurs, il est tout aussi important de :
promouvoir le développement d’un capital humain hautement qualifié et bien formé, surtout au niveau du MAE,
assurer un alignement organisationnel bien articulé entre toutes les entités gouvernementales impliquées dans la promotion des activités économiques et commerciales internationales.
Passons rapidement en revue ces deux facteurs de réussite.
• Compte tenu de la complexité des relations économiques actuelles entre les nations, le besoin de cadres diplomatiques formés et techniquement compétents se fait de plus en plus pressant. Ces derniers doivent bien connaître les lois et règlements relatifs au commerce transfrontalier et de l’économie internationale en général. En outre, la compétence technique englobe les aptitudes à maîtriser divers outils et techniques pour réussir les négociations. Il est aussi recommandé que la « diplomatie économique » devienne une composante clé du programme d'études du centre de formation du MAE tunisien. Des programmes spécifiques doivent être préparés pour répondre aux besoins de formation des fonctionnaires du MAE et d'autres cadres associés directement ou indirectement à la diplomatie économique.
• En outre, une diplomatie économique efficace nécessite un alignement organisationnel parfait entre le MAE et les autres ministères concernés ainsi que les différentes parties prenantes telles que le CEPEX, la FIPA, l’APII et toute autre organisation appropriée, afin de garantir :
Que l'information soit diffusée de manière prompte parmi toutes les parties concernées.
Que les plans d'action soient convenus collectivement et en parfaite coordination.
Que les procédures de suivi et d’évaluation soient bien conçues et appliquées.
Il est également essentiel de démanteler les silos qui se dressent contre le partage de données et aux efforts de coopération et de synergie qui doivent prévaloir entre le MAE, les autres ministères concernés et les agences engagées directement ou indirectement dans l’appui d’une diplomatie économique performante.
Jaloul Ayed, banquier, ancien ministre
Communication présentée lors des journées de réflexion organisées par le Conseil tunisien des relations internationales, sur le positionnement stratégique de la Tunisie.
Jalloul Ayed : Réinventer notre diplomatie économique
investissement en Tunisie
