Patrimoine

BOURGUIBA 1940

Habib Bourguiba, la Guerre de 1940 par Jean Rouss

BOURGUIBA 1940
Habib Bourguiba, la Guerre de 1940 par Jean Rouss

Depuis quelque temps, la commission d’armistice allemande recherchait Bourguiba et ses compagnons pour tenter de les utiliser. Les autorités de Vichy décidèrent de les transporter au fort Montluc à Lyon, puis au fort de Nantua dans l’Ain pendant plus de deux semaines.

Bourguiba raconte lui-même :
« Voici l’adjudant Nicolas Elenberger, un adjudant qui nous suivait depuis le haut fort Saint-Nicolas, vint nous annoncer que nous étions tous les sept convoqués. Il nous conduisit dans une sorte de vestibule où nous attendait un officier SS, accompagné d’autres officiers. Il nous annonça : "Le gouvernement allemand vous notifie que vous êtes libres. Le Führer a décidé votre mise en liberté."
Qu’on imagine l’effet que ces mots ont produit sur moi ; j’avais jusque-là vécu sous la terre, dans la tombe. J’avais perdu tout espoir d’en sortir. Et voici qu’on venait nous dire que nous étions libres. »

Cependant, Bourguiba se ravisa aussitôt et dit à l’officier allemand :
« Est-ce que le Führer me connaît personnellement ? Est-ce qu’il sait qui je suis ? »
(Il voulait aussi montrer au sous-officier Elenberger, qui écoutait, qu’ils n’avaient aucun rapport antérieur avec les Allemands.)

L’officier allemand ayant répondu :
« Il s’agit bien de vous, vous êtes libérés »,
l’adjudant ayant déclaré :
« Eh bien ! Maintenant vous allez collaborer avec les Allemands ? »,
Bourguiba répondit :
« Collaborer ou pas, l’avenir nous fixera là-dessus. C’est une question qui se posera à son heure. »

Bourguiba et ses compagnons découvrirent la France occupée :
« Je disais à mes compagnons : voyons le colonialisme que subit maintenant la France. »
Je leur expliquais comment le colonialisme allemand drainait à son profit les biens des pays colonisés.

Certains disaient :
« Nous sommes maintenant bien compromis avec les Allemands, nous ne pouvons plus nous désolidariser. »
« Non, expliquait Bourguiba, sans doute nous ne pouvons pas refuser la liberté. Mais il faut prévoir la défaite des Allemands, et le monde viendra où nous pourrons collaborer avec les vainqueurs définitifs, dont la France. »

Telle devait rester sa ligne de conduite, dans l’extraordinaire labyrinthe lourd de chausse-trapes et de compromissions où il se trouvait engagé par les manœuvres de l’Axe pour tenter de l’utiliser.
C’était aussi la conséquence de la situation stratégique exceptionnelle de la Tunisie.